vendredi 29 avril 2016

Mathilde Chèvre et Mo Abbas sont intervenus dans notre classe durant plusieurs semaines pour des ateliers d’écriture et d’illustration. Ils ont accepté de nous rencontrer, en plus de leurs interventions, et de répondre à nos questions. 



Quel métier faites-vous ?
Mo – Je suis écrivain, animateur d’ateliers, cuisinier et photographe.
Mathilde – Je suis auteure, illustratrice, éditrice, animatrice d’ateliers de dessin et j’ai écris une thèse sur les livres arabes pour enfants.

Vous avez un métier, qu’est-ce-que vous n’auriez pas aimé faire/être ?
Mathilde – Je n’aimerais pas devoir me lever chaque matin en sachant ce qu’il va se passer dans la journée. Et je n’aimerais pas non plus être dans un rapport d’autorité.
Mo –  Je n’ai pas grand-chose à ajouter, je dirai pareil : je n’aimerais pas devoir me lever chaque matin en sachant ce qu’il va se passer dans la journée.

Qui/Qu’est ce qui vous a donné envie de faire ce métier ?
Mo – Je pense que c’est grâce à la littérature. Je trouvais ça « extraordinaire de réussir à raconter ».
Mathilde – Je pense que c’est lier à mon enfance. Mon père était agriculteur, j’avais une mère « originale » et j’ai reçu une éducation « originale ».

Comment pensez-vous que l’on regarde votre métier ?
Mo – Je pense que l’on regarde mon métier comme un « hurluberlu », un original, qui n’a pas de vie. Souvent on pense que lorsque l’on a pas de patron, on n'a pas de métier. C’est faux. Et finalement, je côtoie beaucoup de gens comme moi, ça encourage.
Mathilde – Penser un métier comme quelque chose qui permet une reconnaissance sociale est mensonger. Bien sûr, il est nécessaire de gagner des sous pour vivre ; mais il faut vivre d’abord.

Qu’est-ce qui inspire votre écriture ?
Mo – C’est très irrégulier. La colère, les gens, les lectures. Je prends tout le temps des notes quand je lis.
Mathilde – C’est l’exaspération, les voyages, tout ce que je vois …

Quels sont vos auteurs préférés, modèles ?
Mo – Raymond Roussel, un écrivain français. Friedrich Nietzsche, un philosophe. Henri Michaux, un poète. Georges Perec, un écrivain.
Mathilde – Beaucoup de peintres dont Pierre Bonnard, dès qu’il y a une de ses expositions, j’y vais, même si c’est très loin de chez moi. Kitty Crowther une illustratrice.

Mettez-vous beaucoup de temps pour écrire un texte (un livre, un poème …) ?
Mo – Non, très vite.
Mathilde – Ca dépend : des fois je peux me mettre à faire  15 jours de dessins du matin au soir …

Etiez-vous acceptés quand vous étiez petits à l’école/au collège ?
Mo – J’étais sociable, je n’avais pas de problèmes.
Mathilde – J’ai été élevée dans un endroit reculé, dans les montagnes, j’étais très sauvage et solitaire. Mon premier souvenir d’une amitié remonte à l’âge de mes 17 ans.

Combien de langues parlez-vous ?
Mo – Je parle l’Algérien des rues¹, le Français, je me débrouille en Anglais, en Espagnol, en Italien. Suffisamment pour pouvoir avoir une discussion.
Mathilde – J’ai vécu dans les montagnes, il y avait du passage. Je parle le français, l’arabe (J’ai vécu en Syrie et en Egypte), l’espagnol, l’anglais. Quand j’ai appris l’anglais, je m’y suis mise à fond. Et j’avais un rêve ; y vivre. D’ailleurs, je suis partie vivre en Angleterre. Quand on apprend une nouvelle langue, on a des sensations que l’on n’a jamais vécues. J’ai appris l’Arabe à 22 ans ; cela a été comme une renaissance : de nouvelles images, une émotivité nouvelle, des idées nouvelles.

D’où cette attirance pour la langue arabe ?
Mo – Je suis né en Algérie, l’arabe est ma langue maternelle.
Mathilde – Mon père était agriculteur et mes parents se sont installés en Algérie pendant la Révolution Agraire.

Mathilde, pendant vos ateliers, vous nous aviez dit que « vous laissiez des petits morceaux de vous partout et que vous vivrez encore après la mort à travers les livres », cela veut-il dire que vous n’avez pas peur de la mort ?
Mathilde – Non je n’en ai pas peur,  mais je ne fais pas exprès de laisser des morceaux de moi, je ne trace pas mon chemin en avance mais j’en laisse, je fais partie de ces gens qui « posent » ; J’ai 4 enfants, chaque année, je publie des livres … C’est plutôt une façon d’amplifier le présent.

Mo, sur Internet, nous n’avons trouvé aucune information sur vous, vous êtes mystérieux … Pourquoi ?
Mo – C’est parce que ce que j’écris est plutôt confidentiel, je n’aime pas que mon nom apparaisse.

Est-ce que vous allez souvent dans des collèges travailler avec des élèves ?
Mo – Environ 40 ateliers par collège par an depuis 2009.
Mathilde – Souvent, depuis environ 4 ans car nous avons le souci de rendre public le travail, de partager le savoir, avec l’esprit d’une éducation populaire. Et puis, c’est une façon de gagner de l’argent.

Accordez-vous souvent des interviews ?
Mo – C’est aujourd’hui ma 1ère.
Mathilde - C’est aujourd’hui ma 1ère.

Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Mo et Mathilde – A Marseille, on se croisait souvent et on s’entendait bien. On s’est très vite parlé.


Merci pour ce joli moment d’échange à cinq voix …
                                                                                  
                                             Elise B., Baptiste C. et Elisa P. (6ème)


***¹On distingue en arabe l'arabe dialectal, celui que l'on parle à l'oral - et dont il existe la transcription à l'écrit -,  et l'arabe littéraire, celui des textes. Mathilde nous explique : "c'est un peu comme s' il co-existait aujourd'hui le latin et le français moderne".